Dans leur enfance, ils ont connu l'horreur de la Libération

Publié : 17 janvier 2025 à 6h00 - Modifié : 17 janvier 2025 à 10h47 Mandy Vereecken

Libération

René Schmitt, maire honoraire, résidait avec sa famille à l’intersection de la rue Principale et de la rue de Rouffach. Il se remémore : « Des soldats allemands appartenant au Bruckenkommando, une unité chargée des ponts, avaient pris position dans notre ferme. Je les voyais régulièrement partir en patrouille pour surveiller la route entre Niederhergheim et le moulin de Dessenheim. »

Il poursuit : « Lorsque les affrontements ont commencé, les Allemands ont quitté notre maison. Nous nous étions réfugiés dans la cave avec la famille Seiler, des bateliers, des bergers, et des habitants de la région mulhousienne qui avaient trouvé refuge chez nous. »

Les conditions étaient éprouvantes : « Les tirs d’artillerie étaient fréquents et proches. Nous tentions de deviner la distance des impacts à partir du bruit des explosions. La nuit était particulièrement terrifiante ; les gens se mettaient à prier. Notre maison a subi de lourds dégâts. »

Lorsque les habitants ont été autorisés à sortir de leur abri, un groupe de quatre enfants, dont René (âgé de 8 ans), son frère Jean-Claude (11 ans), ainsi que Jean (10 ans) et Claude Seiler (9 ans), est allé jouer près du pont détruit. « Nous observions les soldats américains et français tenter de traverser le pont à pied. Mon frère Jean-Claude a aperçu un objet brillant dans l’eau et est allé le récupérer. À peine sorti, l’objet s’est mis à fumer et a explosé, nous blessant tous les quatre. »

Les blessés graves, Jean-Claude, Jean et Claude Seiler, ont été transportés dans un premier temps au lazaret militaire de Dessenheim, puis à l’hôpital de Colmar. René ajoute : « Mon père, qui avait appris ce qui s’était passé, a sauté dans le véhicule militaire pour accompagner mon frère. Lorsqu’ils ont traversé Weckolsheim sur le chemin de Colmar, il a lancé les chaussures de Jean-Claude dans notre cour. » René, légèrement blessé, a été soigné sur place par un soldat afro-américain, dont il se souvient avec gratitude : « Il m’a soigné le bras avec beaucoup de gentillesse, puis m’a offert un chewing-gum. »

Fernand Spatz, qui habitait au restaurant À la Rose (aujourd’hui 12, rue Principale), évoque également cette période troublée : « La nuit précédant l’arrivée des Alliés, le village a été bombardé. De nombreuses maisons ont été gravement endommagées, et un obus a détruit notre poulailler. Le lendemain matin, mon père a ramassé une vingtaine de poules mortes. »

Sa famille, réfugiée dans la cave, avait pris des précautions : « Mon père avait installé des tôles ondulées pour protéger le plafond en cas d’effondrement. » Cependant, le danger restait omniprésent : « L’après-midi, des soldats traversant le jardin de nos voisins Schmitt ont jeté une grenade dans le tuyau de poêle de leur maison, blessant leur fils Camille. Peu après, ils ont fait de même chez nous, nous forçant à quitter la cave. »

Rassemblés dans la cour, les habitants vivaient dans l’angoisse : « Nous étions alignés contre la maison, sous la surveillance d’un soldat armé d’une mitrailleuse. Un autre soldat a soigné Camille, qui était gravement blessé, avant de quitter la cour. »

Les bombardements ont continué : « Une fois retournés dans la cave, un obus allemand a frappé notre maison, endommageant le toit, traversant le plafond du restaurant et éclatant contre un mur. Une pierre est tombée près de moi et de ma sœur. »

Fernand se souvient également de son grand-père, Hubert Wipf, éclusier au canal du Rhône au Rhin, qui a été grièvement blessé par un éclat d’obus. « Il a perdu son bras droit et, chaque semaine, je devais l’aider à laver son bras gauche. »